Depuis le début de la guerre en Ukraine, les politiques et les médias se sont unanimement rangés du côté du belligérant agressé, l’Ukraine, quitte à abandonner la neutralité et en accusant les tenants de cette dernière de se compromettre avec le belligérant agresseur, la Russie. Si notre sympathie est incontestablement du côté du pays agressé, il ne faut pas céder à la fuite en avant politique en se précipitant dans les bras de l’OTAN.
Brutalement, la guerre en Ukraine a réveillé la Suisse d’une léthargie antimilitariste qui dominait largement le débat public. A la fin de la Guerre froide, en 1990, l’Armée suisse comptait 600'000 soldats contre 100'000 actuellement et plus de 200 avions de combat contre une cinquantaine actuellement. Quel désastre !
Vite, adhérons à l’OTAN !
L’état de choc consécutif au déclenchement des opérations militaires par la Russie le 24 février dernier étant consommé, les politiciens et les médias semblent atteints de la frénésie d’une adhésion – ou au moins d’un rapprochement significatif – avec l’OTAN afin de défendre militairement notre pays, quitte à passer la neutralité suisse aux oubliettes.
Or, depuis la première reconnaissance internationale de l’existence de la Suisse en 1647, celle-ci est liée à sa neutralité. La souveraineté et la neutralité vont donc de pair depuis le premier instant.
Lors du Traité de Vienne en 1815, tant la Suisse que les grandes puissances européennes ont souhaité confirmer la politique de neutralité suisse. A cette époque, notre pays était au cœur du jeu des grandes puissances.
Tout au long du XIXe et du XXe siècle, les événements internationaux confirmeront la pertinence de la neutralité suisse, notamment pour garder la Confédération la plus unie possible, pour préserver sa population des affres de la guerre, pour développer l’aide humanitaire (aujourd’hui largement reconnue) et pour offrir les bons offices entre belligérants et ainsi contribuer au retour de la paix.
Neutralité : l’exemple suisse et l’exemple ukrainien
Lors de la Première Guerre mondiale, la neutralité a préservé la paix et la solidarité de la Suisse, alors que les sympathies pro-françaises en Suisse romande s’opposaient aux sympathies pro-germaniques en Suisse alémanique. Sans la neutralité, notre pays n’aurait-il pas été coupé en deux entre la France et l’Allemagne comme l’Ukraine est aujourd’hui coupée en deux entre la Russie et l’Occident ? L’Ukraine de 2022, au cœur du jeu des grandes puissances, n’est-elle pas comparable la Suisse de la Première Guerre mondiale ?
La neutralité souffre d’une image qui s’accommode mal avec la gloire et la victoire car il n’est jamais glorieux ou victorieux d’être neutre. C’est la raison pour laquelle la Suisse est si critiquée dans notre société contemporaine caractérisée par son hypersensibilité aux émotions et aux apparences.
Avant de céder à une sorte de fuite en avant en cherchant à entrer dans l’OTAN, nous ferions mieux de nous rappeler les bienfaits de la neutralité depuis près d’un demi-millénaire en Suisse et de nous demander si une Ukraine neutre n’aurait pas été épargnée par la guerre et, par voie de conséquence, si de nombreux deuils et malheurs n’auraient pas été épargnés aux familles ukrainiennes.