Vieux briscard de la politique helvétique s'il en est, figure légendaire de notre indépendance pour les uns, épouvantail à gauchistes pour les autres, Christoph Blocher ne laisse personne indifférent de ce côté-ci de la Sarine. L'ancien Conseiller fédéral n'en démord pas, qui célèbre 25 années d'une impensable exception, reprenant son bâton de pèlerin pour rallumer la conviction de ceux qui se mettent à douter. L'on pensera, bien sûr, ce que l'on veut de l'homme, mais s'il est un reproche qu'on ne peut lui faire, c'est bien celui d'avoir manqué de porter ses convictions. Un homme, en somme, avec juste ce qu'il faut d'amour de sa propre liberté pour faire un Suisse.
Inlassable, Christoph Blocher portera sa cause le 12 septembre, à Martigny, face à Philippe Nantermod et se tiendra, le 18, au Grand-Saconnex, devant Jacques-Simon Eggly, un ami de longue date. Par amour de la Suisse, diraient certains...
En attendant, il a bien voulu avoir quelques mots pour l'ASIN, qu'il a cofondée avec le radical (tempi passati...) Otto Fischer, il y a maintenant 31 ans. Exclusivité :
ASIN : Monsieur le Conseiller fédéral, le SECO nous assure que la libre circulation fait la richesse de la Suisse. Pourquoi vouloir sa résiliation ?
Christoph Blocher : Rappelons-nous, que nous prêchaient le Conseil fédéral, le Parlement et les médias avant la votation sur l'accord de libre circulation des personnes qui nous a valu une immigration démesurée ? Se fondant sur une expertise, le Conseil fédéral nous a annoncé qu'il fallait s'attendre à une immigration annuelle nette de 8'000 à 10'000 personnes en provenance de l'UE. Même dans ses explications de vote sur les accords bilatéraux I, le Conseil fédéral a qualifié d'infondées les craintes d'une immigration plus forte (v. p. 11). Il s'avère aujourd'hui que le Conseil fédéral s'est trompé d'un facteur 8 à 10.
Chaque année la Suisse subit une croissance démographique correspondant à la population de la ville de St-Gall. Durant les dix ans écoulés, près de 800'000 personnes supplémentaires sont venues s'installer en Suisse, soit environ la population du canton de Vaud.
Nous nous rendons compte tous les jours des conséquences de cette immigration de masse : infrastructures surchargées, hausse des coûts pour les cantons et les communes, pressions sur le marché du travail, notamment au détriment des salariés plus âgés. En fin de compte, cette immigration de masse menace notre prospérité.
ASIN : Pourquoi faut-il lancer une initiative populaire ?
CB : Le peuple suisse a démasqué les beaux parleurs du Conseil fédéral. Il a corrigé une décision antérieure et il a approuvé, avec la majorité des cantons, l'initiative contre l'immigration de masse. Cette initiative est désormais une disposition constitutionnelle. Mais les élus politiques n'ont pas eu la grandeur d'admettre cette même erreur. Ils ont préféré violer la Constitution fédérale. Avec notre nouvelle initiative contre une immigration démesurée – en fait, il s'agit d'une initiative pour la liberté – nous devons enfin abolir la libre circulation des personnes qui est une profonde erreur. Cela fait longtemps que les citoyennes et les citoyens l'exigent. Par la même occasion, nous couperons court aux agissements des élus politiques qui violent la Constitution fédérale. La question de l'immigration touche elle aussi à quelque chose d'essentiel et de décisif : l'indépendance de la Suisse et son avenir dans la sécurité.
ASIN : La liberté et l'indépendance de la Suisse sont le combat de votre vie, que dites-vous aux générations futures ?
CB : La sécurité future de notre pays est évidemment importante pour un père de quatre enfants, grand-père de douze petits enfants et membre d'une famille possédant des entreprises exportatrices. Il y a 25 ans, le peuple suisse a refusé l'adhésion à l'Espace économique européen (EEE) et le rattachement de la Suisse à l'UE. Les partisans de l'EEE menaçaient qu'en cas de refus, la Suisse s'effondrerait économiquement et que les jeunes seraient les grands perdants. Aujourd'hui nous constatons que la Suisse se porte mieux que la majorité des pays de l'UE et que, comparativement, elle affiche un très faible taux de chômage chez les jeunes. Notre pays offre toujours de bonnes perspectives aux jeunes. Il a valu la peine de sauvegarder notre indépendance. Vous le voyez bien : l'indépendance et la neutralité de la Suisse sont une bénédiction et non pas un malheur.
ASIN : Quelle est votre vision de l'avenir de la Suisse ?
CB : La Suisse doit entretenir avec tous les Etats du monde – donc aussi avec les Etats européens – des relations amicales sur la base de sa neutralité et de son autodétermination. Pays exportateur par excellence, la Suisse doit défendre de manière autonome ses intérêts. Elle doit encourager des relations pacifiques et les efforts visant à faciliter les échanges commerciaux.
Donc : non à l'adhésion l'UE ! Non à des accords qui restreignent la liberté d'action de la Suisse ! Non à l'enchaînement de la Suisse à l'UE par le biais d'un accord-cadre qui oblige la Suisse de reprendre automatiquement des lois étrangères ! Voilà qui nous apportera la liberté et la paix.
Propos recueillis par AR.