Pressée de rouvrir, avec la belle saison, les frontières européennes fermées en catastrophe l'an dernier, la Commission européenne dit vouloir retourner à l' "esprit de Schengen".
Pour ceux qui pouvaient encore avoir des doutes, nous voilà fixés quant à ses priorités.
La Commission recommande aujourd'hui que l'Allemagne, l'Autriche, le Danemark, la Suède et la Norvège, suppriment progressivement, au cours des six prochains mois, les contrôles temporaires actuellement en place à certaines de leurs frontières intérieures de l'espace Schengen.
Le premier vice-président européen, Frans Timmermans, a fait une déclaration tentant d'associer la notion de sécurité à celle de libre circulation :
"Grâce à nos efforts conjoints, nos frontières extérieures sont désormais plus solides et plus sûres. En travaillant ensemble, nous pouvons vivre en sécurité tout en profitant de la liberté de circulation. Dans six mois nous retrouverons donc à nouveau un espace Schengen pleinement fonctionnel sans contrôles aux frontières intérieures." (source)
Les progrès effectués seraient conséquence des nouveaux accords avec la Turquie.
Dans sa feuille de route intitulée "Revenir à l'esprit de Schengen", la Commission européenne précise que:
"La réintroduction des contrôles aux frontières intérieures de l’UE entraverait la libre circulation des citoyens, qui est pourtant l’une des réussites les plus appréciées de l’UE. Elle risquerait d'annihiler l’une des principales réalisations de l’intégration européenne et de mettre fin à l'édification d'un espace européen partagé."
Problème manifeste
A vue de Suisse, cette déclaration est remarquable en ce sens qu'il apparaît clairement que la libre circulation constitue un dogme indépassable de la sacro-sainte "construction européenne".
En outre, il est intéressant de constater que dite Commission ramène le terme de 'personnes' à celui de 'citoyens', comme si les conséquences des accords de Schengen ne s'appliquaient distinctement qu'à ces derniers dans ce bel "espace européen partagé".
Rien oublié, rien appris, la Commission européenne se repose entièrement sur l' 'allié' turc pour garantir une toute petite partie de sa frontière extérieure, et croit dur comme fer que cela suffira à endiguer les phénomènes migratoires tels que ceux rencontrés jusque-là. Comme si citoyens et migrants clandestins allaient d'eux-mêmes se sélectionner une fois pénétrés dans l'Espace Schengen; car ils pénétreront.
Hypocrisie
Preuve s'il est que la Commission européenne ne convainc plus jusque dans ses propres rangs, elle propose elle-même une solution en demi-teinte pour ne pas voir partir la plupart de ses Etats membres:
"La Commission recommande également aujourd'hui que tous les États Schengen recourent plus efficacement à des contrôles de police proportionnés, y compris dans des zones frontalières, afin de remédier aux menaces pour l'ordre public ou la sécurité intérieure. La Commission estime que des contrôles de police proportionnés pourraient s'avérer plus efficaces que des contrôles aux frontières intérieures car ils peuvent être appliqués de manière plus souple et adaptés plus aisément à l'évolution des risques." (le soulignement est d'origine)
En clair, ne changez rien mais sauvez la face.
Elle ajoute:
"Les États membres devraient aussi renforcer la coopération policière transfrontière, par exemple, au moyen de patrouilles de police conjointes, d'analyses de la menace conjointes et d'un échange d'informations transfrontière renforcé. Afin de prévenir efficacement les mouvements secondaires irréguliers, sans devoir réintroduire des contrôles aux frontières intérieures..."
Trois lignes plus haut, la frontière extérieure était sure et nous étions en parfaite sécurité...
Et tout ça, tenez-vous bien, pour:
"Appliquer pleinement les accords bilatéraux existants permettant d'assurer rapidement le retour bilatéral des ressortissants de pays tiers."
Oui vous lisez bien, supprimer les contrôles intérieurs - prétendument devenus inutiles en raison de l'imperméabilité des frontières extérieures -, pour permettre plus facilement le retour de ceux qui, malgré tout, auraient passé la frontière...
Bienvenus dans leur monde !
AR