Fraîchement breveté, élu et marié, Philippe Nantermod représente le futur du PLR romand sous son jour le plus radieux. Bien plus qu'un néophyte et déjà presque un homme fort du parti, il est de toutes les barricades pour défendre les visées libérales sur la question européenne. La prochaine en date, le débat contre Christoph Blocher, organisé par l'ASIN, à Martigny, le 12 septembre prochain. Deux générations, deux visions, se font face, mais sont-elles vraiment contraires ?
Résilier purement et simplement la libre circulation paraîtra à d'aucuns téméraire, alors que d'autres fustigeront la lâche soumission de l'immobilisme. Dans les réponses qu'il fait à l'ASIN (voir ci-dessous), Philippe Nantermod paraît cependant incarner le retour du PLR à un pragmatisme froid, libéré des dogmatismes bruxellois ; plus de prudence et peut-être même une once de considération supplémentaire pour les échoués de la révolution mondialiste. L'ère post-Burkhalter semble préfigurer l'avènement d'un libéralisme plus intelligent, moins emballé, qui n'exclut pas d'emblée les mesures de protection de l'exception helvétique.
Cette parole plus libérée du PLR, qui, rappelons-le, est à l'origine de la fondation de notre association, le Conseiller national valaisan la porte sans complexe: la libre circulation doit être celle des travailleurs pas celle des assistés, la souveraineté de la Suisse ne saurait être bradée pour les beaux yeux de l'UE. Le discours se teinte toutefois d'un brin de pessimisme devant l'ampleur de la tâche qui attend un Conseil fédéral confronté aux exigences croissantes de la Commission européenne. Mais la position est au moins ferme, un accord-cadre, c'est non !
La réflexion est en route, le PLR aura-t-il le courage de la porter à maturité ? Philippe Nantermod a eu celui d'accepter l'invitation de l'ASIN d'aller se jeter dans l'arène octodurienne, face au redoutable Christoph Blocher, sans même une hésitation. La soirée promet d'être passionnante.
- INTERVIEW -
ASIN: La libre circulation représente-t-elle vraiment un avantage pour tous en Suisse ?
PN: Toutes les études ont montré que la libre-circulation des personnes, comme les accords bilatéraux ou nos accords de libre-échange, avait permis de renforcer l'économie suisse et expliquait une part importante de la croissance helvétique. D'une manière ou d'une autre, cette évolution positive bénéficie à tout le monde, mais l'on ne peut pas nier qu'elle entraîne aussi des effets négatifs pour une partie de la population. De la même manière, une économie libérale est positive pour tous, même si elle permet des licenciements que l'économie planifiée ne permet pas.
Que répondez-vous à ceux, chômeurs, bénéficiaires de l'aide sociale, qui se sentent victimes de la libre circulation ?
Que le rôle des collectivités publiques est de leur offrir les prestations les plus adaptées pour faire face à la compétition économique. Cela passe par une formation de qualité et à tous les stades de la vie ainsi que des assurances sociales fortes. Mais aucun chômeur ne verra sa situation s'améliorer dans une économie qui tourne au ralenti, et les accords bilatéraux renforcent l'économie.
On peut aussi parler de ces entreprises qui se plaignent des marchés publics et de la concurrence qu'ils entraînent. Ces cas existent. Mais l'économie suisse, qui gagne un franc sur deux de ses exportations, a largement plus à gagner de pouvoir commercer avec l'étranger concurrent que de pratiquer une politique protectionniste.
Le Parlement aurait-il pu faire plus, le 16 décembre 2016, pour garantir les emplois dans notre pays ?
Toute mesure supplémentaire aurait entraîné une violation de l'accord de libre-circulation des personnes et n'aurait pas été appliquée, selon les décisions du Tribunal fédéral qui a jugé que les engagements de la Suisse devaient soit être respectés, soit être dénoncés. Il aurait donc fallu renoncer à la libre-circulation des personnes pour faire davantage, et donc à l'ensemble du premier paquet bilatéral, ce qui n'a été proposé par personne au Parlement, et ce qui ne semble être soutenu par une majorité ni du Parlement, ni du peuple.
Ainsi, ceux qui voulaient faire davantage ne voulaient pas les conséquences que cela impliquait, et n'ont dès lors rien proposé dans ce sens.
Selon vous, les partis de droite pourraient-ils s'accorder sur un meilleur contrôle de la libre circulation ?
Sur le principe, tout le monde est d'accord pour mettre en oeuvre un certain nombre de mesures de restriction là où elles sont utiles pour protéger les citoyens les plus fragiles. Mais la libre-circulation découlant d'un accord bi-partite, il faut que l'autre partie accepte aussi cette position, à défaut de quoi c'est tout l'accord qui tombe. Nous devons dès lors faire des propositions réalistes et acceptables pour tous.
Faut-il restreindre l'accès aux aides sociales pour les ressortissants européens ?
Oui. La libre-circulation, c'est celle des gens qui travaillent, qui étudient ou qui bénéficient d'une rente. Pas celle des bénéficiaires de l'aide sociale. C'est l'esprit même de la libre-circulation des personnes qui doit nous permettre de trouver une entente sur cette question avec nos partenaires.
La libre circulation ne semble pas faire l'unanimité au sein du PLR romand, pour quelle raison ?
Ce n'est pas le cas. Lors des votations sur la question, les assemblées cantonales ou communales ont toujours exprimé des avis quasi-unanimes. Aux Chambres fédérales, à une exception, tous les élus romands soutiennent cette voie. Les quelques voix romandes opposées à la libre-circulation sont très marginales. Elles ont le droit d'exister et de s'exprimer, mais ne changent rien à l'unité claire sur cette question.
Etes-vous favorable à un accord-cadre qui contraindrait la Suisse à une reprise systématique du droit européen ?
Non. Déjà aujourd'hui, le besoin unilatéral d'être souvent euro-compatible est très contraignant pour la Suisse, aller plus loin serait insupportable pour notre souveraineté. De surcroît, il apparaît que l'Europe n'a rien à nous proposer d'intéressant en échange d'une telle perte de souveraineté.
Après le Brexit, pensez-vous que l'UE soit encore en position d'exiger quoi que ce soit de la Suisse ?
L'UE est en position d'exiger que l'on respecte les accords que l'on a signé, comme nous sommes en position d'exiger la même chose.
Avec le Brexit, la Suisse ne sera plus le premier partenaire commercial de l'UE, et nous perdrons ainsi de notre importance, malheureusement. C'est nous qui risquons de perdre de la marge de manœuvre pour les futures négociations, il faudra se montrer d'autant plus courageux et exigeant dans les discussions, mais nous ne devons pas nous leurrer sur la difficulté de la tâche.
Comment voyez-vous l'avenir des relations bilatérales ?
Elles ont l'avantage d'exister et d'être stables. Je doute que dans les circonstances actuelles, nous puissions obtenir des accords qui nous soient aussi favorables. Je suis dès lors favorable à ce que nous continuions à nous appuyer sur ces relations bilatérales qui nous permettent une relation privilégiée, qui nous garantit une indépendance et la réciprocité dans tous les domaines concernés par ces accords, sans imposer d'adhésion ou quelque chose qui y ressemble à terme.
Que pensez-vous de l'ASIN ?
Comme d'autres organisations proches des partis politiques, l'ASIN a l'avantage d'apporter sa contribution au débat public, et lance fréquemment des référendums intéressants. Une démocratie comme la nôtre a besoin d'associations comme la vôtre.
Propos recueillis par AR