Les mesures d’accompagnement à la libre circulation des personnes seront bientôt de l’histoire ancienne, selon plusieurs médias suisses (https://www.letemps.ch/suisse/ignazio-cassis-brise-un-tabou). L’Union européenne ne veut plus en entendre parler. Ces mesures visent à protéger les travailleurs suisses des effets indésirables de la libre circulation des personnes avec les ressortissants des Etats de l’UE, comme le dumping salarial. Or, comme un avant-goût de ce que sera l’accord cadre juridique entre la Suisse et l’UE, ces mesures d’accompagnement sont considérées par Bruxelles comme étant une chicane à éliminer. Qui seront les victimes de cette nouvelle donne ? Les travailleurs suisses ! Les jeunes et les seniors en particulier.
Il y a 20 ans, alors que notre pays négociait le premier paquet des accords bilatéraux (approuvé en votation populaire en mai 2000), chacun savait qu’il n’était pas viable de permettre à des centaines de millions d’Européens de pouvoir venir librement en Suisse pour y travailler en raison de la différence importante de salaires entre la Suisse et ses voisins directs.
Aujourd’hui encore, le SMIC français (revenu minimum) est de € 1'498.50 brut par mois (environ 1'200 euros net, soit 1'380 francs suisses net) alors que les salaires minimaux définis dans la plupart des CCT en Suisse se situent autour des 4'000 francs, soit 3'480 euros. C’est donc près de trois fois plus que le SMIC. A titre de comparaison, c’est comme si les Suisses pouvaient travailler au Liechtenstein en étant sûr de pouvoir toucher un salaire minium de Fr. 10'000.00 par mois.
Dès lors, il est apparu clairement que l’Accord de libre circulation des personnes entre la Suisse et l’UE ne pouvait être envisagé qu’avec toute une série de mesures d’accompagnement. La gauche politique et syndicale en avait fait une condition sine qua none, malgré les appels à la prudence des milieux souverainistes, tels que l’ASIN. En effet, un tel système impliquait de grands défis de mise en œuvre et il fallait évidemment s’attendre à de nombreux abus.
Obnubilés par l’idéologie multiculturelle et mondialiste, la gauche s’est laissée convaincre de faire cause commune avec les milieux patronaux et libéraux, majoritairement convaincus de la rentabilité qu’offrait la libre circulation des personnes. Le personnel allait coûter moins cher, voir beaucoup moins cher. En s’alliant aux milieux patronaux à la condition d’avoir des mesures d’accompagnement, la gauche pensait avoir atteint deux buts : d’une part, elle effaçait les frontières de notre pays et se rapprochait de son rêve absurde d’un monde multiculturel et sans plus aucune identité et, d’autre part, elle protégeait sa base électorale supposée – les travailleurs – contre les effets nocifs de la libre circulation des personnes sur la qualité de vie des Suisses.
Entre l’immigré et le travailleur suisse, la gauche a choisi
20 ans plus tard, en 2018, la gauche suisse prend soudain conscience qu’elle va être trahie. Trahie par Bruxelles, trahie par ce grand projet globalisé, trahie par son propre rêve. L’Union européenne veut la mort des mesures d’accompagnement et le Conseil fédéral n’aura pas d’autres choix que de stopper toutes les négociations en cours avec Bruxelles ou de se soumettre à la volonté de l’UE. Or, il semble peu probable que le Conseil fédéral ose la rupture avec l’UE. La gauche sera trahie. Toute ces années, elle a été l’idiot utile des milieux patronaux. Elle a pactisé avec son adversaire politique au nom de ses idéaux multiculturels. Elle a accepté d’opposer les Suisses aux travailleurs immigrés. Elle a préféré l’étranger au travailleur suisse.
L’heure de vérité va bientôt sonner. La gauche suisse se rappellera-t-elle Jean Jaurès qui disait « Il n’y a pas de plus grave problème que celui de la main-d’œuvre étrangère. Il faut d’abord assurer la liberté et respecter la solidarité du prolétariat de tous les pays, pourvoir aux nécessités de la production nationale qui a souvent besoin, en France surtout, d’un supplément de travailleurs étrangers, et il faut empêcher aussi que cette main-d’œuvre étrangère soit employée par le patronat comme un moyen d’évincer du travail les ouvriers français et d’avilir leur salaire » ou préférera-t-elle sacrifier les travailleurs suisses sur l’autel de la mondialisation ?