Libre circulation: Le "quotidien de référence" genevois agite le spectre de la fin de la voie bilatérale... déjà.
La rédaction du quotidien Le Temps compte au rang de ceux qui veulent voir notre pays soumis sans discussion aux directives de Bruxelles, la chose ne fait pas le moindre doute. Dans un récent article relatant les propositions qui seront soumises demain à l'Assemblée générale de l'ASIN, sous la désormais traditionnelle photo de l'épouvantail à Romands blochérien, tout en gestuelle et en mimique forcément "populiste", Michel Guillaume monte à feu doux la bonne potée de la sémantique de l'insinuation. L'initiative du 9 février 2014 contre l'immigration de masse, pourtant clairement acceptée par le peuple, serait un "imbroglio juridique", les propositions, pourtant dûment publiées, dont l'article ne fait pas une seule citation, sont présentées comme "floues", et ainsi de suite.
In cauda venenum, on attend le dernier paragraphe pour lâcher l'argument massue de la "clause guillotine":
"Dans leurs communiqués, jamais ils ne mentionnent la clause guillotine qui lie les sept accords des «bilatérales I» signées en 1999. Si la Suisse résilie un seul accord, les six autres tombent automatiquement, ce qui mettrait un terme à la voie bilatérale du Conseil fédéral."
Et pour cause, le communiqué se limite à livrer les propositions telles quelles. Mais si M. Guillaume se donnait la peine d'ouvrir un exemplaire de la concurrence, celle qui informe, il constaterait qu'"ils" ne font, au contraire, que ça (Tages Anzeiger, NZZ, Berner Zeitung, etc.).
Chantage à la clause guillotine
La clause guillotine est une petite subtilité technique dissimulée, en 1999, au cœur de l'art. 25 al. 4 de l'Accord sur la libre circulation par un Conseil fédéral en mal de réussite après le vote du 6 décembre 1992 et qui répond aux conditions de résiliation prévue à l'alinéa 2. Ce dernier point est capital, dit accord a été "vendu" au peuple fourni avec son issue de secours. C'est cette porte de sortie qui est brandie à longueur d'année depuis 17 ans comme menace de fin du monde en cas de résiliation effective.
En 2000, pour obtenir l'assentiment populaire, le Conseil fédéral avait promis, entre autres, une protection de l'emploi et des salaires, des garanties contre le dumping, des salaires minimaux, l'obligation de contrats de travail, une limitation de l'immigration, l'application d'une clause de sauvegarde en cas de forte immigration, de problèmes sociaux ou économiques, et ne craignait d'ailleurs pas, en outre, d'affirmer:
"Au vu de ce qui se passe dans l’UE, les craintes des comités référendaires de voir la Suisse être envahie par des ressortissants communautaires ne sont pas justifiées. L’expérience montre en effet que les migrations intercommunautaires demeurent limitées. Des études réalisées par des experts indépendants révèlent en outre qu’il n’y a pas lieu de craindre des conséquences négatives sur le plan de l’emploi et des salaires. Les travailleuses et les travailleurs seront protégés contre le dumping social et salarial par une série de mesures d’accompagnement établies par les partenaires sociaux. Ces mesures seront particulièrement utiles dans les cantons frontaliers. Par ailleurs, au vu de la densité de médecins qui travaillent en Suisse, il ne faut pas s’attendre non plus à une invasion de médecins étrangers." (source)
Cette acceptation du 21 mai 2000 est donc liée à l'exécution de ces garanties, et la sortie de secours statuée à l'art. 25 al. 2 était bien prévue pour le genre de mécontentement exprimé le 9 février 2014. Et si quelqu'un n'a pipé mot, alors, de cette fameuse clause guillotine, c'est bien le Conseil fédéral. On a beau jeu, aujourd'hui, de nous en rebattre les oreilles pour nous interdire de nous défaire de la libre circulation et de gérer notre économie librement.
La Suisse est un pays libre, indépendant et souverain
Cette clause guillotine, vieille de près de 20 ans, servait, avant toute chose, de garantie de fiabilité entre partenaires qui débutaient sur la voie bilatérale. L'UE et la Suisse ne comptaient que 3 accords bilatéraux avant la signature des Bilatérales I. La Suisse et l'Union européenne ont su démontrer l'intérêt de cette voie privilégiée de collaboration, nous en sommes à plus de 120 accords aujourd'hui, cette clause de fiabilité n'a plus aucun lieu d'être !
M. Guillaume, le terme même de bilatéral signifie cette parfaite égalité entre partenaires de rang équivalent. La Suisse n'est de loin pas la dernière économie du continent. Croyez-vous sincèrement que, parce qu'elle se décide enfin à mettre en œuvre les garanties données, et dont le sens se retrouve d'ailleurs dans ces mêmes accords, l'UE se privera de tout échange terrestre, aérien, commercial, économique, scientifique et agricole avec l'un de ses premiers, et meilleurs, partenaires ?
En admettant même qu'un juridisme abscons suspende l'application des six autres accords bilatéraux I, ceux-ci seraient renégociés et réactivés dans l'heure. Prétendre le contraire serait reconnaître que l'UE fait un dogme indépassable de la libre circulation et nous tient en laisse par la menace. Je parle ici à titre personnel, j'ai beaucoup de mal à croire que l'UE soit à ce point têtue et obstinée qu'elle s'expose à perdre les avantages de son excellente relation avec notre pays. Une relation bilatérale est précisément une relation qui doit profiter aux deux parties.
Votre journal joue à loisir des peurs et de la relative ignorance dans laquelle il maintient son lectorat pour imposer la soumission par adhésion comme unique perspective. A titre d'exemple, vous avez prétendu, en 2014, à la fin de toute collaboration universitaire via le programme Erasmus en cas d'application du 9 février. Un programme dont, malgré toute leur mauvaise volonté, ni la Syrie, ni même la... Corée du nord ne sont parvenues à se faire expulser.
Si vous considérez même le terme de "bilatérales" dans ce contexte aujourd'hui, c'est dû exclusivement à l'action de l'ASIN depuis 1986, admettez-le. Cessez donc de tromper les gens. Une renégociation de la libre circulation ne supprimera pas les 120 accords bilatéraux ni même la "voie bilatérale". Que la Suisse remette la main sur le robinet de la libre circulation ne représente en aucun cas une menace pour nos relations avec l'UE, à condition, bien sûr, que celle-ci nous reconnaisse pour ce que nous sommes, un Etat libre. Dans le cas contraire, vous reconnaîtrez avec moi que l'honneur et le bon sens commandent que nous nous libérions. La Suisse est un Etat de droit, libre, indépendant et souverain, fondé sur la démocratie directe et cela n'est pas négociable.
Adrien de Riedmatten