Le commandant de corps Thomas Süssli, chef de l’armée, tient un blog personnel (https://chefderarmee.ch/fr/) dans lequel il fait part de ses réflexions avec la population. Le 1er décembre dernier, il a publié un article dans lequel il soutenait l’engagement d’étrangers pour effectuer des tâches de bases de l’armée et a ouvert la réflexion à ce sujet.
La démarche de Thomas Süssli est encouragée par l’incapacité de notre armée à renouveler le personnel nécessaire à son bon fonctionnement. L’armée pour tous (c’est le titre de son article), donc partiellement ouverte aux étrangers, serait une réponse adaptée aux soucis posés par la pénurie des effectifs. Mieux, selon son chef, l’armée pourrait ainsi bénéficier de nouvelles idées.
Les réflexions politiquement correctes du commandant de corps Süssli ne contribuent pas à se poser les bonnes questions, au contraire. Tout d’abord, il part du postulat que si l’armée s’ouvrait aux étrangers, cela pourrait combler les besoins en personnel de l’armée. Ce raisonnement ne repose sur aucune certitude, ni sur aucune expérience probante dans notre pays. A ce sujet, il faut relever que des arguments identiques avaient été utilisés pour tenter de justifier l’extension du droit de vote aux étrangers dans plusieurs cantons. Or, l’expérience a démontré que la proportion d’étrangers qui prend part au vote est plus faible que la proportion de Suissesses et de Suisses. Il en ira sans doute de même avec l’armée.
Le seul mérite de cette idée, c’est d’être dans l’air du temps
Le seul mérite de la réflexion soulevée par Thomas Süssli est de s’inscrire dans l’air du temps. Il est de bon ton dans la Suisse de 2020 d’être inclusif et de glorifier la différence, sans manquer d’adopter une posture paternaliste à l’endroit de celles et ceux qui refusent de partager cet enthousiasme. Sans doute que les réflexions du chef de l’armée inspireront des élus soucieux de rester le plus politiquement correct possible et qui trouveront-là l’occasion de rappeler aux médias et aux électeurs qu’ils sont fidèles à la morale dominante de 2020 en déposant les motions et postulats qui concrétiseront l’armée pour tous.
Or, si la remise en question – et Thomas Süssli a l’humilité de s’y plier – est fondamentalement louable, l’imposture mainstream est insupportable. En réalité, l’armée n’a pas à se vendre auprès de jeunes étrangers et son chef n’a pas à caresser les sensibilités inclusives des médias dans le sens du poil. La Constitution fédérale prévoit, à l’art. 59 que les Suisses sont astreints au service militaire et il importe que les parlementaires fédéraux concrétisent dans la loi cette obligation constitutionnelle, au lieu de l’édulcorer à chaque fois que le GSsA et ses alliés sous la coupole gesticulent.
Repousser les limites pour attirer les jeunes
En ouvrant la porte à cette réflexion anticonstitutionnelle, le chef de l’armée légitime l’activisme politique de celles et ceux qui ont œuvré à supprimer l’armée en lui retirant successivement ses effectifs. C’est regrettable.
Si Thomas Süssli veut redonner aux jeunes – Suisses et étrangers – le goût du service militaire, il serait mieux inspiré de durcir les écoles de recrue et les écoles de cadres afin de repousser les limites afin de faire vivre à chacune et à chacun une expérience hors du commun qui leur permettront d’en apprendre beaucoup sur eux-mêmes. Au lieu de ça, il préfère miser sur le partage de nouvelles idées entre une recrue suissesse et une recrue étrangère dans une atmosphère participative et inclusive. Qu’il soit permis de douter du bien-fondé de cette réflexion.