L’Europe, dans la tête de nombreux Suisses au début de années 1990, c’était la promesse de redevenir une puissance mondiale, aux côtés des Etats-Unis d’Amérique. D’ailleurs, nombreux étaient celles et ceux qui voyaient en l’Union européenne émergeante, les Etats-Unis d’Europe. La promesse fut brisée, et c’est regrettable !
Tel le phénix qui renaît de ses cendres, l’URSS agonisante de 1989 a accouché de la Russie de Poutine. Minutieusement, discrètement et efficacement, la Chine a étendu ses tentacules dans le vaste monde. Même la Turquie d’Erdogan fantasme à nouveau de visée ottomane et impériale. Le Royaume-Uni tentera-t-il de fédérer le Commonwealth dans une nouvelle alliance commerciale et politique ? Finalement, seule l’Union européenne semble à court de souffle, d’efficacité et de perspective pour le plus grand malheur de l’Europe et des Européens, de la Suisse et des Suisses.
La Suisse est à la fois en dedans et en dehors de l’Europe. En dedans car elle est au carrefour des grandes cultures qui sont l’Europe. La française, l’allemande et l’italienne. La protestante et la catholique. Il y a un petit peu de tout cela en Suisse. En dehors car le destin de la Suisse n’a jamais été celui de ses voisins et des grands Etats européens. Pas de monarques, pas de colonies, pas de guerres intra-européennes depuis un demi-millénaire.
Ce rôle à cheval entre deux pôles est non seulement celui du Convenant de Stans de 1481 – donc celui que les Suisses se choisirent librement, sur les conseils de Saint Nicolas de Flüe, pour se garder de toute ingérence étrangère – et c’est également celui du Traité de Vienne de 1815 – donc celui que les puissances européennes imposèrent aux Suisses en faisant de notre pays neutre la clé de voûte de la paix européenne en nous confiant le verrou alpin. La Suisse n’a pas failli à sa mission et nul puissance ne parvint plus, depuis les guerres napoléoniennes à franchir les cols suisses.
La civilisation européenne menacée par l’Union européenne
L’histoire révèle que la Suisse n’a jamais été, politiquement parlant, européenne. A cet égard, sa place n’est donc pas dans l’Union que les ex-puissances coloniales ont créée pour tenter de rester dans la cour des nouvelles superpuissances mondiales. Rappelons qu’il y a un siècle à peine – soit une brève période historique – la France, la Belgique, l’Espagne, le Portugal, l’Italie, l’Angleterre, l’Allemagne dominaient le monde sans partage ? Aujourd’hui, c’est le monde qui domine ses mêmes pays !
Vu de Suisse, l’Union européenne aurait tenu sa promesse si elle avait été fière de préserver et valoriser la civilisation européenne. L’héritage gréco-romain, le culte judéo-chrétien et la démocratie libérale qui ont modelé nos sociétés et notre civilisation, en Suisse aussi.
L’Union européenne n’offre aucune perspective d’avenir à l’Europe, elle ne lutte ni contre la décadence de notre civilisation, ni contre l’extinction de notre identité. Elle est incapable d’être le rempart qui préserve notre mode de vie et elle est incapable d’hisser l’Europe au rang des superpuissances aussi longtemps qu’elle reniera sa civilisation.
En tant que Suisse, nous n’aurions pas pu nous désolidariser du combat civilisationnel si l’Union européenne l’avait embrassée. En tant que Suisse, nous devons résister à l’Union européenne aussi longtemps qu’elle trahira l’Europe et qu’elle sera la complice du déclin de notre héritage gréco-romain, chrétien et démocratique. La promesse suscitée à la fin du XXe siècle par l’Europe unie a été trahie.