De Charles Gave, Economiste et financier, Président de l’Institut des Libertés (Paris).
Depuis la création de l'Euro, je n'ai cessé de dire que l'euro allait détruire l’Europe plus que jamais, c’est-à-dire celle de la diversité, pour la remplacer par un monstre technocratique et centralisé.
Pourquoi l’Euro allait-il détruire l’Europe?
Parce qu’il est impossible de maintenir dans un taux de change fixe des pays qui ont des productivités du travail et du capital différentes. Automatiquement, les nouveaux investissements allaient se produire là où le cout du capital était le plus bas et/où le cout du travail ajusté pour la différence de productivité le plus faible c’est à dire en Allemagne, ce qui allait lentement mais surement détruire les appareils industriels des concurrents de ce pays…
De 1974 à 2000, les indices de la production industrielle de France, d’Italie et d’Allemagne sont collés les uns aux autres, les taux de croissance étant exactement les mêmes.
A partir de 2000, la croissance Européenne s’arrête net, avec le Sud de l’Europe s’effondrant et l’Allemagne remplissant le vide ainsi créé. Pour mettre les choses en perspective, de 2000 à 2013, la production industrielle Américaine est passée d’un indice 100 à un indice 144 fin Décembre 2013…
L ‘Euro a donc eu deux effets distincts:
1. Tuer la croissance en Europe
2. Organiser un transfert gigantesque de production des pays du Sud vers les pays du Nord. Brillant succès.
L’économie Européenne, grâce à l’Euro, est donc devenue un jeu à somme négative où personne ne gagne mais ou les Allemands perdent moins que les autres… Encore bravo a messieurs Delors et Trichet.
A la place de converger, comme on nous le promettait, les économies Européennes, ont divergé depuis 14 ans comme jamais depuis la seconde guerre mondiale, tandis que la croissance s’arrêtait.
Cette réalité (des 14 dernières années) était bien sur totalement prévisible, mais me disait-on, «il s’agissait d’un projet politique».
Comme l’Union Soviétique?
Appelons cette période l’acte I du drame Européen. Chacun peut voir que nous sommes dans une situation intenable et que quelque chose va devoir craquer. Essayons de comprendre ce qui va se passer.
Quand une entité cesse d’être compétitive, il lui faut soit disparaitre (ce qui est difficile pour un Etat ou une Nation), soit se reformer pour le redevenir, soit recevoir des subventions temporaires de celui qui est «trop compétitif» (Plan Marshall), ce qui permet de se reformer dans la douceur soit organiser des transferts pérennes (Italie du Sud financée par l’Italie du Nord), ce qui permet de ne rien faire et créé une corruption monstrueuse.
Depuis la création de l'Euro, je n'ai cessé de dire que l'euro allait détruire l’Europe plus que jamais, c’est-à-dire celle de la diversité, pour la remplacer par un monstre technocratique et centralisé.
A l’évidence, l’Allemagne ne veut octroyer aucune «subvention» aux pays du Sud, puisque tout transfert à fonds perdus a été exclu par Madame Merkel.
Une autre solution serait peut-être de créer un système bancaire Européen qui financerait les Etats pendant la période de réformes, les banques étant conjointement garanties par tous les Etats Européens pour faire disparaitre le lien mortel qui unit banques et systèmes financiers à l’échelle Nationale. Il semble bien que l’Allemagne ait décidé de refuser cette garantie commune qui n’est après tout qu’une forme déguisée de transfert.
Une certitude donc: L’Allemagne ne paiera pas. Si l’Allemagne ne veut pas payer et si l’on exclue le démantèlement de l’Euro, que va-t-il se passer ? Que reste-t-il comme option? En fait il n’existe plus qu’une seule solution pour les pays du Sud: se reformer dans la douleur c’est à dire organiser une déflation féroce des salaires tout en mettant en place le démantèlement des systèmes sociaux dans toute l’Europe du Sud.
Et c’est cette solution qui a été choisie par les autorités Européennes.
Pour faire simple, il faut que les pays non compétitifs vis à vis de l’Allemagne le redeviennent. Un pays comme l’Italie semble avoir un cout du travail qui est d’au moins 20 % supérieur au cout du travail en Allemagne. Les chiffres sont à peu près les mêmes pour la France.
La solution de facilité serait que l’inflation en Allemagne accélère et que les prix stagnent dans le reste de l’Europe. L’embêtant, c’est que les prix des produits industriels en Allemagne, loin de monter, baissent depuis 12 mois et vont sans doute continuer à baisser compte tenu de la concurrence Japonaise.
Il va donc falloir que le prix de nos produits baisse encore plus que le prix des produits en Allemagne.
Voilà qui va avoir un effet profond sur les marges des sociétés Italiennes ou Françaises, et je doute fort que cela les pousse à la hausse. Si Peugeot n’était pas compétitif avec un Yen en dessous de 100 yen par euro, on voit mal comment il le deviendrait avec un yen a 140.
Si j’ai raison, la première station du chemin de croix Européen a été marquée par une stagnation économique et un véritable démantèlement de la base industrielle des pays du Sud, au profit de l’Allemagne.
La deuxième station verra une déflation des salaires, en particulier dans la fonction publique ainsi qu’une attrition tout à fait remarquable des systèmes sociaux dans tous les pays du Sud, avec un accroissement gigantesque de la précarité (tout cela a bien commencé en Italie et encore plus en Espagne), mais n’a même pas débuté en France.
Après avoir perdu leur travail, les salariés du Sud de l’Europe vont perdre leurs allocations chômage et/ou une partie de leurs retraites.
L’Europe du Sud a donc devant elle des années de déflation, de baisse des salaires, de baisse du niveau de vie, de recul de la protection sociale.
Je ne pense pas que cela soit supportable politiquement, mais bien sûr, je peux me tromper. Après tout, j’ai pensé depuis 10 ans que les pays du Sud ne laisseraient pas leurs systèmes industriels disparaitre sans sortir de l’Euro et j’ai eu complètement tort. Non seulement ils ont laissé faire, mais les politiciens locaux ont soutenu ce désastre de toutes leurs forces.
Et la France va être en première ligne dans cette déroute puisqu’elle va devoir faire face non seulement à l’Allemagne mais aussi à des Etats ou à des industries Espagnoles ou Italiennes qui se sont (un peu) reformées.
J’en arrive à plaindre monsieur Hollande.
L ‘Euro a donc eu deux effets distincts:
Tuer la croissance en Europe et Organiser un transfert gigantesque de production des pays du Sud vers les pays du Nord.