Je dois le confesser, je suis un mauvais démocrate. D'ordinaire, j'applaudis, quel que soit le sujet, à l'annonce du moindre référendum. Il y a, pour moi, toujours comme un parfum de revanche pour ce bon vieux peuple aux mains calleuses quand il renvoie sa copie à ce quarteron de buveurs de camomille qui prétend nous gouverner. Oui, même si la cause n'est pas toujours des plus enthousiasmantes, le simple fait que nous en ayons le droit me remplit d'aise. Mais, là, non, je boude.
Là, le Parlement a fait plus que parader contre un jeton de présence, il a montré une autre allégeance que celle qu'il devait au peuple. Il nous a volé le 9 février si durement gagné. Ce n'est pas moi qui le dit, mais le Conseil fédéral, la volonté populaire n'a pas été appliquée.
Passons sur la personnalité de M. Stojanovic, politologue, nous dit-on, universitaire de niche, ancien porteur d'eau de Moritz Leuenberger puis membre de la direction du PS, et soudainement autorisé là où n'importe qui d'autre eût simplement été réactionnaire. L'homme n'est en somme qu'un élément du décor, dans une scène qui le dépasse un peu, une caution morale de pacotille dans ce tour de passe-passe démocratique qui ne sert qu'à démontrer, une fois de plus, à quel point le monde médiatique se moque éperdument de nous.
Grosses ficelles
Oui, car en sa qualité d'ex-huile du PS - que la RTS oublie soigneusement de mentionner - Nenad Stojanovic n'est pas franchement ce que l'on peut appeler un défenseur viscéral de la démocratie directe. Son postulat est simple, pour ne pas dire grossier, si nous ne faisons pas ce référendum, l'UDC en profitera pour pleurnicher sur l'usurpation du vote populaire pendant les quatre prochaines années. En clair, Stojanovic ne lance pas son action pour favoriser l'expression populaire mais seulement pour "clouer le bec" au populisme, en un mot réduire le peuple au silence. Il ne s'en cache pas, d'ailleurs : "Ce n'est pas un référendum contre la loi mais sur la loi », ce qui a pour avantage d'apaiser les bourrins de gauche qui n'auraient pas encore tout saisi de sa stratégie.
Qu'il perde, qu'il gagne, qu'il ait ses signatures ou non, le Tessinois aura diverti l'attention du peuple et des cantons du problème principal : Le Parlement nous a trahi. L'UDC, l'ASIN, comme nombre d'autres citoyens, se sont arrêtées à ce seul constat. Admettre un référendum serait passer comme chat sur braises sur cet incident inédit dans l'histoire de notre système politique, voire pire, consacrer ce sacrilège d'une onction populaire nouvelle, presque par inadvertance. Si le référendum échoue, ce qui reste possible au vu des moyens de campagne de l'adversaire, les usurpateurs se verront décerner une médaille plutôt que la peine qui leur est due. Ce faisant, Nenad Stojanovic s'attaque directement à la Constitution en détournant fondamentalement le but du droit référendaire, donner au peuple le dernier mot. Il n'a consenti ce geste - à contre-cœur - que dans un seul but, que le souverain se taise à tout jamais.
La soumission
Stojanovic est une sorte de prophète de fin du monde, qui place sa confiance dans la capacité de l'axe politico-médiatique à marabouter le populo et lui faire passer cette loi scandaleuse du 16 décembre comme la juste mesure et la seule voie de salut pour notre pays. Depuis bientôt trois ans, la presse nous chante l'Apocalypse sur tous les tons. La Suisse va être rayée du programme d'échange Erasmus (d'où même la Syrie, l'Iran et la Corée du Nord n'ont pas réussi à se faire dégager) ; catastrophe ! Mais comment donc nos étudiants vont-ils faire pour se prendre une biture à l'étranger ? Derrière Stojanovic se cache un profond cynique, qui s'en va quêter des signatures auprès de patriotes sincères, lui cédant leur confiance persuadés qu'il veut défendre le bon droit. Dans les faits, il instrumentalise ces suffrages au service de l'agenda d'un Conseil fédéral qui se prépare à nous injecter la dose fatale du contre-projet à RASA une fois que le référendum aura rendu ses effets paralysants.
Ce référendum n'a rien à voir avec la démocratie, c'est la profession de foi de cette coalition économico-parlementaro-médiatique qui a fait ployer nos institutions sous son joug et s'amuse aujourd'hui de ses nouveaux pouvoirs. C'est là que l'initiative de l'ASIN prend tout son sens, courir le lièvre est un piège, le peuple ne se soumet pas, il se bat.
Nous ne nous tairons pas, nous ne céderons pas, nous ne nous laisserons pas tromper. Ils ont peut-être l'argent, les micros, les caméras, mais nous avons la liberté.
Adrien de Riedmatten
Coordinateur Suisse romande