Homme de réseau à la carrière fulgurante, devenu Conseiller d'Etat à 34 ans, marié, père de deux enfants, celui qui dit ne pas vouloir "attendre une minute pour commencer à changer le monde" assume, droit dans ses bottes, les visées pro-européennes de son parti. L'élu socialiste, qui a sans doute hérité d'une situation délicate, se veut confiant dans les solutions actuelles et les mesures engagées par son Département. Pragmatique, il appelle néanmoins ses administrés à oser quelques prises de risque. Jean-Nathanaël Karakash, ferme dans ses certitudes, est de ceux qui aspirent à plus d'ouverture et rêvent le futur de la Suisse au sein de la Communauté européenne.
L'on saluera, bien sûr, l'indépendance d'esprit et le sens démocratique de celui qui, nonobstant une indéniable distance idéologique, n'a pas craint de pénétrer en terrain adverse pour venir dire son point de vue, à la Chaux-de-fonds, le vendredi 29 septembre 2017, à la Maison du peuple, dès 19h30, sur les effets de la libre circulation dans le canton de Neuchâtel et le Nord romand.
Interview exclusive :
ASIN : La libre circulation représente-t-elle vraiment un avantage pour tous en Suisse ?
Jean-Nathanël Karakash : J’en suis convaincu. Les accords bilatéraux dans leur ensemble sont porteurs de prospérité pour notre pays, et c’est cette prospérité qui permet d’assurer le niveau de vie élevé que nous avons la chance d’avoir en Suisse. Cela étant, il reste encore et toujours nécessaire d’œuvrer à améliorer la répartition des richesses créées dans notre pays.
De 2004 à 2014, près de 15'000 emplois ont été créés dans le canton de Neuchâtel, malgré cela les taux chômage et de recours à l'aide sociale ont augmenté pour atteindre plus du double de la moyenne suisse. Le marché neuchâtelois de l'emploi souffre-t-il de la concurrence des travailleurs frontaliers ?
JNK : Une analyse très complète de la situation neuchâteloise et de ses causes a été produite pour établir la nouvelle stratégie cantonale d’intégration professionnelle, validée à l’unanimité par le Grand Conseil l’an dernier. Il en ressort que, depuis la crise de 2009, la pendularité entrante vers le canton a fortement augmenté aussi bien en provenance de la France voisine que depuis les autres cantons suisses. La cause principale est l’évolution permanente des compétences recherchées par les employeurs, dans un contexte de renouvellement très rapide du tissu économique. Une politique active est nécessaire pour que les personnes en recherche d’emploi dans notre canton puissent mieux profiter des places de travail qui se créent. Les efforts déployés commencent à porter leurs fruits.
L'institut de sociologie de l'université de Neuchâtel reconnaît un lien entre taux de chômage et divorce (L'impartial, 26.02.2013 p. 3). En Suisse, un suicide sur 7 est expliqué par la perte d'un emploi (20 Minutes, 11.02.2015 p. 3). Une concurrence trop forte peut-elle représenter un danger de santé publique ?
JNK : Sans aucun doute et c’est grave.
Que répondez-vous à ceux, chômeurs, bénéficiaires de l'aide sociale, qui se sentent victimes de la libre circulation ?
JNK : Qu’ils ont la possibilité de bénéficier d’un appui professionnel des services de mon département pour les aider à retrouver du travail. Et que, même si ce n’est pas toujours facile, il faut persévérer, car les efforts finissent presque toujours par payer.
Faut-il restreindre l'accès aux aides sociales pour les ressortissants européens ?
JNK : Les aides sont aujourd’hui limitées au minimum prévu par les accords dont la Suisse est signataire. Et à mon niveau, je ne vois pas d’éléments choquants qui tendraient à démontrer un système trop laxiste dans les situations concrètes sur lesquelles j’ai l’occasion de me pencher.
La protection des emplois des résidents suisses est-elle une priorité pour le PS ?
JNK : A ma connaissance, le PS s’est toujours battu pour favoriser le plein emploi et des conditions de travail dignes. Malheureusement, il n’est pas toujours suivi dans ses propositions.
Pensez-vous que le salaire minimum soit la mesure la plus adéquate pour protéger ces emplois ?
JNK : Non, le salaire minimum vise uniquement à faire en sorte qu’une personne qui travaille à plein temps puisse subvenir au moins à ses propres besoins personnels sans avoir à recourir à l’aide de l’Etat. Ce qui est déjà une grande avancée !
N'y aurait-il pas d'autres pistes à explorer comme, par exemple, l'imposition à la source ?
JNK : Je ne vois pas en quoi l’imposition à la source pourrait contribuer à équilibrer le marché de l’emploi. Par contre, je serais assez favorable à une telle évolution pour l’ensemble des contribuables, pour d’autres raisons.
Etes-vous favorable à un accord-cadre qui contraindrait la Suisse à une reprise systématique du droit européen ?
JNK : Je pencherais plus volontiers pour une adhésion de la Suisse à l’Union européenne.
Que pensez-vous de l'ASIN ?
JNK : Je n’envisage pas d’adhérer prochainement !
Propos recueillis par Adrien de Riedmatten
Introduction corrigée par les soins de M. Karakash